“Ce livre ne parle pas de héros. La poésie anglaise n’est pas encore de taille à parler d’eux. (…) /Mon sujet, c’est la guerre, et le malheur de la Guerre. / La Poésie est dans la compassion. /(…) Aujourd’hui, tout ce qu’un poète peut faire, c’est avertir. C’est pourquoi les vrais poètes doivent demeurer fidèles à la vérité. “(1918)
Ces lignes de préface qui ouvrent le recueil de Wilfrid Owen ont aujourd’hui un écho particulier, et l’on sait gré aux éditions du Castor astral de proposer un nouveau choix des poèmes complétés d’une sélection de lettres à sa mère, au moment où la commémoration de l’armistice de la Première Guerre Mondiale s’accompagne de toutes les incertitudes d’un monde occidental livré à ses contradictions et cerné, sur ses marges, par des guerres dont les échos lui parviennent à travers les exodes de réfugiés qu’il accueille, plus ou moins bien.
Wilfrid Owen, qui a Outre-Manche une notoriété presqu’égale à celle de Shakespeare, n’est guère connu en France, où pourtant le poète trouva la mort à l’âge de 26 ans, sur les berges du canal de la Sambre à l’Oise, le 4 novembre 1918 – quatre jours avant l’armistice. C’est là, dans le cimetière d’Ors, qu’il repose – dans cette France qu’il aimait et où il enseignait, à Bordeaux, en 1915, avant de s’engager dans l’armée britannique. Les lignes de la préface précèdent donc de peu sa disparition… et prennent un valeur testamentaire.

Wilfrid Owen, Et chaque lent crépuscule, Le Castor astral, “Escale des lettres”, poèmes et lettres choisis et traduits de l’anglais par Barthélémy Dussert avec la collaboration de Xavier Hanotte, nouvelle édition revue et augmentée, 192 p. 14 euros
C’est au cours d’un séjour à l’hôpital que le poète Siegfried Sassoon l’engagea à utiliser son expérience de la guerre dans ses écrits… Owen, pourtant, ne publia que 4 poèmes de son vivant, et le recueil, dont s’inspira Benjamin Britten, pour son War Requiem de 1962, ne fut publié à titre posthume qu’en 1920 : ainsi que le souligne Xavier Hanotte dans sa préface à l’édition : “Si la guerre lui a donné une voix, la guerre aussi l’a fait taire” – mais cette réédition permettra peut-être à cet ensemble de dépasser le statut de témoignage, afin qu’on reconnaisse le mérite littéraire qui lui revient. A cet effet, 40 poèmes et 15 lettres sont ici rassemblés, les textes poétiques retenus étant ceux que les traducteurs ont jugés “adaptables” préférant “une expression poétique davantage fidèle à l’esprit qu’à la lettre, quand il ne s’agissait pas de traduire une musique tout autant qu’une parole”, tout en privilégiant le jeu des assonances et rimes internes, dont il semble qu’Owen soit “à raison considéré comme l’un des plus grands virtuoses dans la langue de Shakespeare”. La présence, pour les poèmes, de la version anglaise permet sans peine d’accepter ce choix de traduction.
Quant aux lettres, intercalées avec les poèmes, elles donnent à l’ensemble presque l’aspect d’un journal, rendant plus précise et vivante la silhouette de l’auteur dont les préoccupations personnelles s’entremêlent à sa méditative description du temps de guerre dans lequel il survit. Ce numéro de Recours au Poème présente un choix de ces poèmes qui permettront au lecteur d’apprécier l’intérêt de cette republication en découvrant un auteur dont nous aurions aimé pouvoir citer davantage. L’on ne mettra pas le point final à cette note sans citer la dernière lettre du recueil, écrite le 31 octobre, dans laquelle, comme dans les autres, il tente de rassurer sa mère : “Il n’y a aucun danger ici, ou s’il y en a, il sera passé depuis longtemps lorsque vous lirez ces lignes.”
Il s’agit de la dernière lettre de Wilfrid Owen…

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