Alain Marc est né en 1959 et sans doute était-il temps de con­sacr­er une livrai­son de revue à cette œuvre atyp­ique. Alain Marc com­mence par décrire ce qu’il écrit : il a forgé deux expres­sions, “l’écri­t­ure du cri” et “la poésie publique”, qui ont fait florès depuis ; mais c’est pour mieux affirmer que tout ce qu’il a écrit et pub­lié relève de ces deux principes. C’est ain­si qu’il donne de nom­breuses lec­tures publiques : ce n° de Chien­dents se ter­mine d’ailleurs par une liste de lec­tures per­for­mées, pour repren­dre ses mots. Mais l’essen­tiel n’est pas là : s’il agré­mente ce n° de quelques let­tres, le plus impor­tant réside dans les deux entre­tiens qu’il a accordés à Murielle Com­père-Demar­cy. Si le pre­mier tourne autour de son œuvre (“Une poésie publique, cette deux­ième expres­sion que j’ai forgée avec celle d’«écriture du cri» et qui a con­duit toute mon écri­t­ure depuis le début, l’une cor­rigeant l’autre en quelque sorte, sig­ni­fie pour moi que tout doit être mis en œuvre dès l’écri­t­ure pour diriger la poésie vers le pub­lic, en faire un acte pub­lic.”), le sec­ond appro­fon­dit la notion d’écri­t­ure du cri ; on peut relever cette affir­ma­tion que l’His­toire con­firme : “Il est con­nu que les pays et péri­odes total­i­taires ou de guerre ont tou­jours pro­duit une lit­téra­ture forte en con­tre, con­join­te­ment avec une ampli­fi­ca­tion de son écoute. Ce qui explique aus­si le peu de cette lit­téra­ture dans notre péri­ode actuelle où les «enne­mis», respon­s­ables des déboires de nos sociétés, sont dif­fi­cile­ment iden­ti­fiés.” Mal­heureuse­ment, tout n’est pas de cette eau, le jar­gon philosophique n’est pas évité, qu’on en juge : Murielle Com­père-Demar­cy n’écrit-elle pas : “… une cri­tique lucide et «révo­lu­tion­naire» de ce qui tra­verse l’écrivant chevil­lé au monde pour en tran­scen­der la page dans une expres­sion de l’af­fect relié à l’ex­péri­ence d’un Je tran­scen­dan­tal immergé dans la nuit de l’Être pour en expulser l’indi­ci­ble mura­tion dans cet entre-deux de son cri intel­lect / de son Dit.” Coquille ou néol­o­gisme com­pris ! Il est vrai que je ne suis pas de for­ma­tion philosophique mais de tels pro­pos passent dif­fi­cile­ment dans la moulinette cérébrale du lit­téraire que je suis…

 

Reste que ce numéro de Chien­dents est néces­saire. Ne serait-ce que parce qu’Alain Marc note : “D’où l’on peut aisé­ment con­venir que la poésie n’est pas que lin­guis­tique mais qu’elle est égale­ment anthro­pologique, philosophique, théologique, sociale et poli­tique…” Oui, la poésie, si elle veut enfin retrou­ver ses lecteurs, doit cess­er d’être intel­lectuelle et poé­tique. Mais lisez donc Alain Marc !

 

 

 

Chien­dents n° 109, Alain Marc : “Il n’y a pas d’écri­t­ure heureuse”. Édi­tions du Petit Véhicule, 40 pages, 5 € (+ 2 € pour l’en­voi) : 20 rue du Coudray. 44000 NANTES.

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Lucien Wasselin

Il a pub­lié une ving­taine de livres (de poésie surtout) dont la moitié en livres d’artistes ou à tirage lim­ité. Présent dans plusieurs antholo­gies, il a été traduit en alle­mand et col­la­bore régulière­ment à plusieurs péri­odiques. Il est mem­bre du comité de rédac­tion de la revue de la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Tri­o­let, Faîtes Entr­er L’In­fi­ni, dans laque­lle il a pub­lié plusieurs arti­cles et études con­sacrés à Aragon. A sig­naler son livre écrit en col­lab­o­ra­tion avec Marie Léger, Aragon au Pays des Mines (suivi de 18 arti­cles retrou­vés d’Aragon), au Temps des Ceris­es en 2007. Il est aus­si l’au­teur d’un Ate­lier du Poème : Aragon/La fin et la forme, Recours au Poème éditeurs.