Cette revue, comme son titre l’indique, suc­cède à Jun­gle la revue dirigée par Jean-Yves Reuzeau et à In’Hui que dirigeait Jacques Dar­ras… D’ailleurs la présence de ces deux revuistes au comité de rédac­tion d’Inu­its dans la jun­gle le prou­ve. Mais c’est plus à Action Poé­tique, la défunte revue ani­mée par Hen­ri Deluy, qui s’est arrêtée en 2012 après plus de soix­ante années de paru­tion, que fait penser cette livrai­son… En effet, le dossier “10 poètes néer­landais autour de Mar­t­i­nus Nijhoff” qui ouvre ce n° 6 n’est pas sans rap­pel­er l’in­térêt que por­ta Action Poé­tique à cette poésie. Dans le n° 200 (juin 2010) de cette dernière revue, Daniel Cunin signe un arti­cle inti­t­ulé Action Poé­tique et la poésie néer­landaise  (pp 131–136), il s’ y livre à un inven­taire pré­cis de l’ap­pari­tion de 1954 à 2009 des tra­duc­tions de poètes bataves, il y recense plus d’une dizaine d’oc­cur­rences de 1954 avec les Poètes néer­landais à 2009 avec Six poètes néer­lan­do­phones en pas­sant par 1983 avec les poètes de Cobra… À quoi il con­vient d’a­jouter la venue en 2009 de plusieurs poètes d’ex­pres­sion néer­landaise à la Bien­nale Inter­na­tionale des Poètes en Val-de-Marne que dirige alors Hen­ri Deluy et la paru­tion en 2011 de Résis­tent (traduit par le même Deluy) de Sask­ia de Jong aux édi­tions Action Poé­tique et celle, la même année, de l’an­tholo­gie Poètes néer­landais de la moder­nité (1880–2010) qu’il coor­donne, au Temps des Ceris­es. Inu­its dans la jun­gle prend aujour­d’hui le relais en s’in­téres­sant à d’autres poètes : diver­sité des voix même si c’est Daniel Cunin qui en traduit la plupart… 

Cette livrai­son se présente comme une antholo­gie, essen­tielle­ment, de poètes étrangers : aux dix poètes des Pays-Bas, il faut ajouter un Sué­dois, deux Lati­no-améri­cains (nés en Argen­tine) et deux Grecs… Et il faut atten­dre le cahi­er de créa­tion pour décou­vrir deux jeunes poètes français, Lau­re Delau­nay et Nico­las Rozi­er ! Pas d’ar­ti­cles, pas de chroniques, pas de notes de lec­ture : Inu­its dans la jun­gle est une revue sin­gulière… Le par­ti-pris d’ac­corder un espace con­séquent aux poètes présents est une autre car­ac­téris­tique de cette pub­li­ca­tion qui évite ain­si le tra­vers du cat­a­logue. Le lecteur peut décou­vrir cette grosse quin­zaine de voix dans leurs nuances, leur sub­til­ité et leur orig­i­nal­ité. Reste l’in­térêt pour les poésies étrangères qui répond à un principe de départ de la revue : s’ou­vrir pri­or­i­taire­ment aux  poésies européennes con­tem­po­raines, sans dis­tinc­tion de genre ni d’é­coles. On peut alors s’in­ter­roger sur la présence des deux Argentins, Jorge Boc­canera et Alber­to Szpun­berg… Il est vrai que les Argentins sont des descen­dants d’Eu­ropéens pour cer­tains, la coloni­sa­tion et les indépen­dances étant passées par là… Mais les deux ont con­nu l’ex­il, à cause des aléas de l’His­toire. Ceci explique peut-être ces vers du pre­mier “et Luisa / croupit dans une cel­lule de deux mètres sur un” et c’est peut-être le sens de la ren­con­tre dans ces vers du sec­ond : “Il y a un café où un homme et une femme / cherchent, cepen­dant, / le vrai sens de la ren­con­tre”. Il est vrai qu’Inu­its dans la jun­gle a tou­jours priv­ilégié des poésies européennes (espag­nole, alle­mande, ital­i­enne…) mais pas exclu­sive­ment puisque qu’on trou­ve dans les  anciens numéros des poètes chi­nois ou mex­i­cains ain­si qu’une grande atten­tion, entre autres, à Lau­rence Fer­linghet­ti ou Allen Gins­berg… Peut-être aura-t-on, un jour, le plaisir et la sur­prise de lire des poésies inouïes comme celle, par exem­ple, des gri­ots africains ou celle des inu­its traditionnels ?

image_pdfimage_print
mm

Lucien Wasselin

Il a pub­lié une ving­taine de livres (de poésie surtout) dont la moitié en livres d’artistes ou à tirage lim­ité. Présent dans plusieurs antholo­gies, il a été traduit en alle­mand et col­la­bore régulière­ment à plusieurs péri­odiques. Il est mem­bre du comité de rédac­tion de la revue de la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Tri­o­let, Faîtes Entr­er L’In­fi­ni, dans laque­lle il a pub­lié plusieurs arti­cles et études con­sacrés à Aragon. A sig­naler son livre écrit en col­lab­o­ra­tion avec Marie Léger, Aragon au Pays des Mines (suivi de 18 arti­cles retrou­vés d’Aragon), au Temps des Ceris­es en 2007. Il est aus­si l’au­teur d’un Ate­lier du Poème : Aragon/La fin et la forme, Recours au Poème éditeurs.