Com­posé de cinq « déplace­ments », eux-mêmes com­posés de 2 ou 3 suites (dont le titre compte tou­jours trois sub­stan­tifs) par­fois d’une cer­taine longueur, le recueil est con­sacré à la sim­plic­ité des choses ce qui n’exclut pas une cer­taine com­plex­ité car rien n’est simple…

Éric Chas­se­fière s’attache à exprimer l’indicible, le si peu de la vie ; c’est la descrip­tion d’un monde qui dis­paraît peu à peu, mais sûre­ment. Il y a comme une con­tra­dic­tion entre le tra­vail du poète et l’occupation pro­fes­sion­nelle d’Éric Chas­se­fière (il est directeur de recherche en physique au CNRS et il s’intéresse à l’évolution du sys­tème solaire et des planètes) : comme quoi tous les chemins mènent à Rome car Chas­se­fière met le même sérieux dans ses deux occu­pa­tions… Le poète se sou­vient (p. 28) et c’est écrit dans une langue simple…

La deux­ième suite se penche sur la vie quo­ti­di­enne (le train, la ville) mais s’ouvre à des per­spec­tives inouïes (la poésie, la pein­ture) : « Les mots nais­sent du papi­er » con­fie le poète (p 62). Dans la troisième suite, qui est ce IL ? Le père ? Qui est ce TU ? La femme aimée ?

Éric Chassefière, La présence simple des choses, L’Harmattan éditeur, 148 pages, 16 euros, en librairie.

Éric Chas­se­fière, La présence sim­ple des choses, L’Harmattan édi­teur, 148 pages, 16 euros, en librairie.

J’aime à le croire au risque de me tromper… Le « poème ombre d’ombre », il naît de ces descrip­tions, « sous la lampe du sou­venir » (p 83). La rai­son d’être de l’écriture poé­tique appa­raît dans le Déplace­ment 4 : « … j’écris / pour ne pas per­dre le fil de ma vie » (p 85). Por­trait de ce IL, qui reste incon­nu car jamais nom­mé… Éric Chas­se­fière accom­pa­gne ce IL, patiem­ment. C’est un dur méti­er que celui de l’être accom­pa­g­nant ; mais il est des moments où ce IL est oublié : alors renais­sent la vie et le poème. C’est le Déplace­ment 4 qui est le plus émou­vant car Éric Chas­se­fière est à la recherche de l’enfant qu’il fut. La pre­mière suite du Déplace­ment 5 per­met, grâce à des indices géo­graphiques, de délim­iter une zone fiable : celle de la région de Mont­pel­li­er (j’avoue avoir dû faire quelques recherch­es !) ; place est aus­si réservée à la musique ; Éric Chas­se­fière explore le silence qui « révèle le silence à sa langue » (p 134).

La poésie n’est jamais bien loin dans la démarche de l’auteur. De fait, le poème est là car Éric Chas­se­fière, dans sa quête du sou­venir, le traque dans la vie sans cesse : le voy­age n’a pas de fin…

 

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Lucien Wasselin

Il a pub­lié une ving­taine de livres (de poésie surtout) dont la moitié en livres d’artistes ou à tirage lim­ité. Présent dans plusieurs antholo­gies, il a été traduit en alle­mand et col­la­bore régulière­ment à plusieurs péri­odiques. Il est mem­bre du comité de rédac­tion de la revue de la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Tri­o­let, Faîtes Entr­er L’In­fi­ni, dans laque­lle il a pub­lié plusieurs arti­cles et études con­sacrés à Aragon. A sig­naler son livre écrit en col­lab­o­ra­tion avec Marie Léger, Aragon au Pays des Mines (suivi de 18 arti­cles retrou­vés d’Aragon), au Temps des Ceris­es en 2007. Il est aus­si l’au­teur d’un Ate­lier du Poème : Aragon/La fin et la forme, Recours au Poème éditeurs.