Le 13 novem­bre de cette année 2018, ce sera le troisième anniver­saire des atten­tats ter­ror­istes du Bat­a­clan qui comptent (faut-il le rap­pel­er ?) par­mi les plus meur­tri­ers de ces dernières années. On aurait pu crain­dre le pire car les bons sen­ti­ments ne font pas for­cé­ment de la bonne lit­téra­ture (et de l’excellente poésie). Heureuse­ment, il n’en est rien avec le recueil de Claire Aud­huy, « J’aurais préféré que nous fas­sions obscu­rité ensem­ble »… Heureuse­ment car Claire Aud­huy écrit les choses avec la plus extrême sim­plic­ité si bien que ses poèmes se con­fondent par­fois avec des listes de mots ou d’expressions…

Claire Aud­huy, J’aurais préféré que nous 
fas­sions obscu­rité ensem­ble,
La Feuille de 

Thé édi­teur, 136 pages, 20 euros. En
librairie ou sur com­mande sur le site de 
l’éditeur la feuille de the (on peut payer 
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Il y a beau­coup de pudeur dans ces poèmes : « que c’est bon / de repos­er sous terre / ensem­ble / pour l’éternité » (p 27) ou « Mais toi / com­ment t’atteindre / je ne sais pas par­ler à la pous­sière » (p 31). C’est avec bon­heur que Claire Aud­huy dit la réalité …
Claire Aud­huy répète à l’envi pour enfon­cer le clou comme si elle était incon­solable (et elle l’est). Ce qu’elle exprime, c’est la vie et l’amour de celle-ci.  Mais par­fois, c’est le trag­ique qui devient évi­dent : ain­si le poème de la page 45. C’est une femme amoureuse qui écrit, sincère­ment. Même les poèmes qui se réduisent à un vers, voire à quelques mots, sont sig­nifi­ants. Finale­ment, le lecteur décou­vre le por­trait de Claire Auhuy en veuve. Page 73, le titre du recueil s’éclaire : c’est un poème chargé de sens. Cela ne va pas sans une cer­taine cru­auté ou une cer­taine douleur comme dans ce poème (p 81) qui se ter­mine, après une énuméra­tion pleine de vie avec des mots prosaïques, par ce vers « dans ton cer­cueil trop large  ».
Voilà, en vrac, ce que je voulais dire de ce recueil sans hiérar­chi­sa­tion ou sans ordon­nance par­ti­c­ulières. Il y aurait encore bien des choses à déchiffr­er ou à affirmer. Les poèmes de Claire Aud­huy en sont pas con­venus : l’émotion est au ren­dez-vous. Les poèmes sont des récep­ta­cles d’émotion. D’autant plus que l’assertion est totale­ment sincère : « ta vie / est mon mem­bre / fan­tôme ». Ce sera le poème de la fin !

 

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Lucien Wasselin

Il a pub­lié une ving­taine de livres (de poésie surtout) dont la moitié en livres d’artistes ou à tirage lim­ité. Présent dans plusieurs antholo­gies, il a été traduit en alle­mand et col­la­bore régulière­ment à plusieurs péri­odiques. Il est mem­bre du comité de rédac­tion de la revue de la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Tri­o­let, Faîtes Entr­er L’In­fi­ni, dans laque­lle il a pub­lié plusieurs arti­cles et études con­sacrés à Aragon. A sig­naler son livre écrit en col­lab­o­ra­tion avec Marie Léger, Aragon au Pays des Mines (suivi de 18 arti­cles retrou­vés d’Aragon), au Temps des Ceris­es en 2007. Il est aus­si l’au­teur d’un Ate­lier du Poème : Aragon/La fin et la forme, Recours au Poème éditeurs.