Colette Klein, Après la fin du monde, nuages Requiem

Par |2023-12-07T15:19:04+01:00 7 décembre 2023|Catégories : Colette Klein, Critiques|

Je suis le savant au fau­teuil sombre.
Arthur Rim­baud, « Enfance IV », Illu­mi­na­tions

 

Un chant, Requiem, traces, pour ceux qui dis­parus demeurent. Des noms, des sou­venirs, comme un par­fum encore prég­nant, des con­tours de vis­ages, des sommes de vies, ouvrent la voie aux poèmes. Après la fin du monde, nuages, comme dire qu’après la mort des êtres aimés sub­siste un ciel sans couleur. Mais jamais clos, tou­jours lis­i­ble, pour Colette Klein, qui tran­scrit ce qu’il recèle d’é­ter­nité, dans une poésie puis­sante et profonde.

Pour ten­ter de ne pas oubli­er, pour faire la somme des sous­traits à la vie, peut-être, ou bien rejoin­dre le lieu où séjour­nent les morts, qui ne le sont jamais, pour ceux qui par­lent de ce mys­tère, et essaient d’in­ven­ter une langue pour dire com­bi­en le cha­grin inex­tin­guible des dis­pari­tions subies creuse dans le quo­ti­di­en de ceux qui demeurent.

Ils passent, dit le poète…

Mais,
l’oeil, la rétine, peu­vent-ils, d’un coup de pinceau, 
saisir les ani­maux et les villes qu’ils emportent ?

Notre vie, à leur image, s’ef­filoche, se transforme
jusqu’à l’oubli.

Trou­peau de morts passés et à venir qui dérivent
en igno­rant que l’horizon
est tout aus­si éphémère qu’une goutte de pluie
pris­on­nière du soleil.

Colette Klein, Après la fin du monde, nuages — Requiem, Les écrits du Nord, Edi­tons hen­ry, 2023, 79 pages, 12 €.

Cette langue est incon­testable­ment la poésie, ce lieu où les mots s’ou­vrent sur des abysses séman­tiques capa­bles de laiss­er entrevoir le silence, celui d’a­vant, et celui d’après. Verbe créa­teur et cathar­tique, vers ourlés du sou­venir, mais pas seule­ment, car Colette Klein n’ou­blie pas, reçoit le monde dans sa grandeur trag­ique, et la Mort, de tous,  celle des mas­sacrés des charniers enfan­tés de la folie des hommes, celle d’in­con­nus que la trans­fig­u­ra­tion per­mise par ses poèmes con­voque dans un verbe qui rend per­cep­ti­ble cette soli­tude endogène face à la dis­pari­tion et cette résilience offerte par l’art.

Poème lim­i­naire comme clausule, En pays de soli­tude… en signe d’im­puis­sance, accom­pa­g­nent les notes de ce Requiem, chaque poème, adressé au souvenir.

30 juil­let 2009

Pierre
l’ami

Je t’é­coute me dire
que tu es vivant dans la mort,

que des nuages ont ger­mé dans ton cadavre
et l’ont porté jusqu’à l’invisible,

que la pluie
pro­tège la pous­sière de tes os
mal­menés par le temps.

Je ne crois en rien,
sinon
aux paysages de l’amour,

à la foudre qui ali­mente mes rêves
de tes mots, de ta voix, de ton regard.

 

Ici la dimen­sion prométhéenne de la poésie prend sens. Loin des chants orphiques, qui auraient pu occu­per la poète, c’est la révolte prométhéenne, avortée par la mort, qui sous-tend le pro­pos, et retrou­ve sa puis­sance dans l’acte d’écri­t­ure. Comme l’af­firme Antoine Spire dans sa pré­face, ici vit “le peu­ple de ceux qui habitent dans la tête de Colette Klein (…) cette cohorte de ceux qui l’ac­com­pa­g­nent aujour­d’hui et demain jusqu’à la fin du monde”. 

Colette Klein a dans ses mains ce feu dérobé à l’im­puis­sance, et elle trace le verbe comme elle peint, en osant défi­er ce silence défini­tif qui avale le temps.

Présentation de l’auteur

Colette Klein

Née le 14 sep­tem­bre 1950 à Paris 3e.
Poète, écrivain et pein­tre – socié­taire du Salon d’automne.
Mem­bre du comité de rédac­tion de la revue Phréa­tique de 1979 à 2000.
Prési­dente de l’as­so­ci­a­tion Arts et Jalons (A ani­mé pen­dant trente ans des ren­con­tres asso­ciant  plas­ti­cien et poète).
Secré­taire générale et tré­sorière du Cer­cle Alienor d’Esthé­tique et de Poésie (Réu­nions men­su­elles à la Brasserie LIPP)
Mem­bre de la S.G.D.L. (Société des Gens de Let­tres) – Vice prési­dente du PEN Club français
Prix jeune poésie François Vil­lon 1978 — Prix de la Rose d’or 1983
Crée en 2008 : « Con­cer­to pour marées et silence, revue » — paru­tion annuelle.

Bibliographie

Poésie :

Ailleurs l’é­toile, St-Ger­­main-des-Prés (1973).

A défaut de vis­ages, St-Ger­­main-des-Prés (1975).

Céc­ités, Mil­las-Mar­tin (Prix jeune poésie François Vil­lon 1978).

Le Passe-nuit, Arcam (1980).

Néante aux mains d’oiseaux, G.R.P. (1984) – Avec dessins de l’auteur.

Les hautes volières du silence, Gravos Press (1994) – Avec dessins de l’auteur.

La neige sur la mer ne dure pas plus que la mort, La Bar­tavelle (1997).

Les Jardins de l’invisible, Alain Benoit (2002).

Les Insom­nies du voy­age, G.R.P. (2002).

Le Silence du monde, Encres de Marie Fal­ize — Alain Lucien Benoit (2003).

La Pierre du dedans, Encres d’Augusta de Schu­cani — Alain Lucien Benoit (2005).

Les Ten­ta­tions de L., Dessins d’Alain Clé­ment — Alain Lucien Benoit (2009).

Der­rière la lumière, Alain Lucien Benoit (2010).

Mémoire tumé­fiée suivi de Let­tres de Nar­cisse à l’ange, Edit­in­ter (2013).

C’est la terre qui marche sous mes pas, La Feuille de thé (2019).

Le Bleu selon C. Klein, Tran­signum (2023).

 

Elle a égale­ment par­ticipé à plusieurs livres d’artistes.

Sous le nom : ARNE (en col­lab­o­ra­tion avec Pierre Esper­bé)  : Nuit mag­nifiée, Barre & Dayez Édi­teurs. Col­lec­tion Jalons. (1985).

 

Prose (doc­u­ments) :

La Guerre, et après…, Edi­tions Pétra (2015).

Pierre Esper­bé : je suis né dans l’infini des êtres, Edi­tions Pétra (2019).

 

Nou­velles :

Nocturne(s), Le Guichet (1985).

JE est un mon­stre, L’œil du Sph­ynx (2022).

 

Paru­tions en revues :

Acilèce, Artère, Cri d’os, Envol (Cana­da), Evo­hé, Les hommes sans épaules, Jalons, Join­ture, Lit­téRéal­ité (Cana­da), Noah, Phréa­tique, Poé­monde, Poésie 1, Poésie pre­mière, Poésie sur Seine, Poésim­age, Résur­rec­tion, Sépia, 7 à dire …

 

En antholo­gies :

Alain Bre­ton, La vraie jeune poésie (Ed. La Pibole-Jean Gouézec 1981).

Jean Bre­ton, Nou­velle poésie con­tem­po­raine (Le Cherche Midi Edi­teur 1985).

Pas­cal Com­mère, Des poètes pour demain la soif (Cahiers de Noah 1981).

Paul Mari, Prix poésie 2000 (1979).

Antholo­gie Jalons   Plaise au sou­venir 1983 ; Dans un halo d’hu­mus 1985 ; A l’is­sue de ce long moment 1987.

Antholo­gie La Passerelle (1982–83).

Antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine de langue française réal­isée par Jean-Claude Rossig­nol en 2012 (Ed. de la Librairie Galerie Racine).

Antholo­gie de la poésie fémi­nine française — en Islandais, par Thör Ste­fáns­son (Ed. Odd­ur à Reyk­javik — 2016).

Antholo­gie Sidér­er le silence. Les écrits du Nord — Édi­tions Hen­ry (2018).

Antholo­gie La Poésie française 100 ans après Apol­li­naire – 50 poètes – 50 styles. Édi­tions de la Mai­son de Poésie – Fon­da­tion Émile Blé­mont (2018).

Dans une autre demeure – Car­togra­phie de la poésie française et fran­coph­o­ne con­tem­po­raine par Jean-Luc Favre Ray­mond – Edi­tions 5 sens – 2022.

 

Pièces de théâtre  (déposées à la S.A.C.D.) :

La Récolte du feu, don­née en lec­ture publique par “Théâtre à dire”.

Armande et Ros­alie, représen­tée au Théâtre de Ménilmontant.

 

Romans : (inédits) : Cica­tri­ces, Pandé­mo­ni­um, S’apprivoiser, L’Ange des sépa­ra­tions, La Vie est une île.

 

Adap­ta­tion radio­phonique de nou­velles :

Iden­tité, France-Cul­­ture, dans “Les nuits magnétiques”.

Entre deux vies, Radio Paris.

Ici et Ailleurs, Radio Aligre.

Autres lec­tures

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.
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