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Jeanpyer Poëls, Le sort est en jeu

 

Cette plaquette de Jeanpyer Poëls est composée de quinze poèmes ou, mieux, de quinze bribes  de 10  à 22 syllabes dont quatre  sont des alexandrins (mais est-il pertinent de parler d'alexandrins ?).  Car l'ensemble donne plutôt l'impression d'un poème en prose fait de bribes isolées tenant sur une page. Cette plaquette (et l'éditeur ne publie que de tels minces livrets qu'il diffuse comme une revue et Jeanpyer Poëls est un habitué de la collection à ma connaissance)  en dit long sur la variété et la vivacité de l'édition de poésie en même temps que sur sa  grande misère et sur l'écriture poétique. Sur sa grande misère : la poésie est devenue portion congrue au catalogue des grands éditeurs industriels c'est-à-dire contrôlés par la finance. Sur l'écriture poétique : la prose n'est plus considérée comme secondaire en même temps que le vers serait en crise.

    S'il n'y a pas grand-chose à dire sur la misère de la poésie sauf que les médiocres (marketing oblige) triomphent dans le domaine du livre, il est loisible de s'interroger sur les formes que prend la poésie. Toutes les expériences sont permises, certaines sans lendemain, d'autres prometteuses. Jeanpyer Poëls illustre une poésie elliptique, resserrée sur elle-même. Il est loin le temps où Jeanpyer Poëls éditait une revue de poésie agrafée intitulée Action Nord (on était en 1965-66 et il habitait Lens…). On peut lire dans les numéros que j'ai dans ma bibliothèque (le n° 1, Hommage à l'ouvrier, le n° 2, Vive Paul Éluard) des poèmes au lyrisme flamboyant (Hommage à l'ouvrier) ou tourmenté (Ode qu'il faudra multiplier)…  Ce qui caractérise ces poèmes, c'est leur relative longueur alors que depuis quelque temps, Jeanpyer Poëls a habitué son lecteur à de minces plaquettes où le poème disparaît pour laisser place à de brèves notations qui peuvent ressembler à des vers plus ou moins longs…

    Le sort est en jeu semble avoir été écrit lors d'une hospitalisation (?), à l'un de ces moments où la fin paraît proche. On y retrouve la même obscurité lumineuse que dans les premiers poèmes… Jeanpyer Poëls est un poète discret qu'il faut lire.

Lucien Wasselin a publié Aragon/La fin et la forme chez Recours au Poème éditeurs