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Sub Rosa de Muriel Verstichel

" Beaucoup de choses en ce monde / me sont devenues étrangères " écrit Muriel Verstichel dès la première page. À moi aussi, et depuis longtemps. Est-ce un privilège du vieillissement ?  Je ne sais… Mais, elle fait suivre ces deux vers, deux strophes plus loin par une citation de L'Ecclésiaste (1,9)  : " Ce qui fut, cela sera, / Ce qui s'est fait, se refera, / Et il n'y a rien de nouveau sous le soleil ! " .  Sans doute que je comprends à ma façon les deux vers qui ouvrent cette note et que je les aurais fait suivre du fameux fragment d'Héraclite : "Tu ne te baigneras pas deux fois dans le même fleuve ". C'est que j'ai toujours préféré la sagesse présocratique. Comment dès lors lire ces poèmes quand on est à l'opposé de la démarche de Muriel Verstichel qui affirme que les roses sont éternelles. ?  À l'opposé de sa croyance et de sa pratique religieuses ? Peut-être en écoutant attentivement ce que dit cette voix tout en ne succombant pas au chant des sirènes, c'est à dire en compagnonnage sur les chemins de la critique d'un monde qui nous est devenu insupportable, à elle comme à moi. Mais à qui s'adresse-t-elle ? À son dieu ? Au lecteur ? À ceux qu'elle aime ? Sans doute à tous, un peu en même temps. Et que sont ces roses qui traversent le recueil ? Une métaphore, mais de quoi ? Peut-être faut-il s'intéresser de près au titre du recueil " Sub rosa " qui risque de rester énigmatique pour nombre de lecteurs ?  Dans son emploi adverbial, cette expression signifie secrètement, confidentiellement. Et il faut alors se souvenir que dans l'Antiquité comme au Moyen-Âge, la rose était le symbole du secret. Outre les deux citations bibliques (celle de L'Ecclésiaste déjà signalée et celle de Jean 14,2), un vocabulaire soigneusement choisi souligne l'empreinte religieuse de la démarche de Muriel Verstichel. Des mots directs : le vous qui s'adresse à Dieu, le chapelet, la vierge et son enfant, le rameau de buis, la prière, le flanc (du Christ ?), l'âme, l'ange, les messes… D'autres dont la précision est sous-entendue : la parole (divine), le ciel, le jardin, le repas  (on pense à la Cène)…  Et les roses omniprésentes dans ce recueil : on sait le rôle qu'elles jouent dans la religion chrétienne… Le reste du temps, Muriel Verstichel est discrète dans ses vers, si bien qu'on peut lire ses poèmes sans partager sa foi et que ces derniers peuvent parler à un athée…

    Alors ces confidences s'adressent à Celui qui croyait au ciel comme à Celui qui n'y croyait pas… Car tous les deux espèrent la même clarté, qu'elle soit de ce monde ou qu'elle soit céleste…